Justin Trudeau rate son baptême du feu

Justin Trudeau rate son baptême du feu

Justin Trudeau : «Il peut se permettre encore pour un temps de se projeter en personnage optimiste et naïf mais il devra faire attention de ne pas passer pour un imbécile heureux. En cas de pépin, on va voir de quoi il est fait.»

La longue campagne électorale canadienne, commencée en juillet, se déroulait sur l’air de l’argumentum ad novitatem : Trudeau allait amener un vent de fraîcheur, une bouffée d’air frais, du changement.

Mais la bouffée d’air frais s’est rapidement changée en courant d’air.

Désormais, des commentateurs à la radio décrivent Justin Trudeau comme un type déconnecté, désemparé, sans stratégie, ayant l’air de quelqu’un qui ne sait pas comment faire face.

Que s’est-il passé ?

Les attentats de Paris du 13 novembre

Lors de cette soirée fatidique, Justin Trudeau, attrapé par les médias alors qu’il était en plein départ pour la Turquie où il allait participer à une rencontre du G20, a réagi en ces termes :

«Nos pensées et nos prières vont vers nos cousins français en ce moment lugubre. Ces attaques nous portent à réfléchir»

Pas un mot sur l’État Islamique.

Ces paroles et le ton sur lequel elles étaient dites évoquaient davantage la réaction qu’il aurait eue si sa vieille tante était morte dans un accident de la route.

Au National Post, le 15 novembre dernier, Michael Den Tandt présentait le premier Ministre Trudeau comme quelqu’un qui fait la sourde oreille (tone-deaf) :

«.. Il n’est pas suffisant pour un chef de gouvernement dans une démocratie du G7 d’exprimer son inquiétude, sa solidarité avec les victimes, mais pas la volonté inflexible d’aider à vaincre les responsables.

La politique du parti libéral, avant et après l’élection du 19 octobre consiste à contribuer à l’effort de guerre, à jouer un plus grand rôle dans la formation des forces locales alliées, les Peshmergas, et à faire beaucoup plus pour aider les réfugiés déplacés par la guerre.

Il serait parfaitement cohérent pour un leader qui défend une telle politique de nommer l’ennemi, dénoncer sa barbarie en termes clairs et de déclarer qu’il doit être vaincu.

En autant que je saches, Trudeau n’a pas encore fait cela explicitement. Il devrait.

Les peuples civilisés ne sont pas seulement tristes quand des civils dans la ville la plus civilisée du monde sont attaqués par des sociopathes. Nombreux sont ceux qui expriment leur colère comme nous devrions le faire. Le ton du premier ministre devait refléter cela …»

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Dans Le Journal de Montréal du mardi le 17 novembre, le chroniqueur Jean-Jacques Samson n’était pas plus tendre :

«… Justin Trudeau a lamentablement échoué à son premier véritable test de leadership, vendredi soir, dans les heures qui ont suivi les attentats de Paris. Il est apparu faiblard, hésitant, dépassé par les événements et le rôle attendu de lui et du Canada dans les circonstances …»

Des tueurs ont tiré de sang froid sur des centaines de gens et ils se sont fait exploser pour strictement rien

«…Les autorités religieuses islamiques de France et de Navarre, les personnalités politiques françaises, les chefs d’États occidentaux, les commentateurs, les «spécialistes», les intellectuels, les animateurs des médias et bien d’autres encore, tous affirment et nous assurent que les récents attentats de Paris n’ont rien à voir avec l’islam, ils ne sont donc aucunement motivés par une quelconque croyance religieuse.

Le roi Salman d’Arabie Saoudite dans son message de condoléances au peuple français a même eu la «délicatesse» de préciser que le terrorisme n’a pas de religion !

De son côté le Président Obama, fidèle en cela à la rectitude politique la plus stricte, a désigné les assaillants sous l’appellation d’extrémistes violents.

De son côté le Premier Ministre du Canada Justin Trudeau s’est gardé de tout commentaire sur les assaillants ; ne leur ayant trouvé aucune motivation, il s’est contenté de qualifier les tueries d’insensées.

Nous voilà rassurés, des tueurs ont tiré de sang froid sur des centaines de gens et ils se sont fait exploser par la suite pour strictement rien.

Il s’agit donc d’extrémistes dénués de motivation, ils sont extrémistes pour l’extrémisme comme certains sont des partisans de l’art pour l’art.

Le consensus est à l’effet que ces tueurs et ceux qui les conduisent ne défendent aucune cause, certainement pas celle qu’ils prétendent défendre, celle pour laquelle ils n’hésitent pas à tuer et à se tuer …»

Ah, les promesses…

Toute la semaine, Justin Trudeau est resté le nez collé sur ses promesses de campagne électorale, comme s’il ne se rendait pas compte qu’il était devenu le premier ministre du Canada et qu’il devait s’adapter aux circonstances.

En dépit des attentats de Paris, il a maintenu sa décision de retirer les F18 canadiens qui bombardent l’État Islamique et prétend toujours que la contribution du Canada doit consister à envoyer de l’aide humanitaire et former les combattants kurdes.

L’ex-premier ministre du Canada, Stephen Harper, avait ridiculisé cette approche lors de la campagne électorale: «Si votre politique consiste à apporter de l’aide humanitaire sans apporter de renfort militaire, vous en serez réduit à larguer de l’aide humanitaire sur des cadavres».

Rien ne fera changer d’avis M. Trudeau, pas même les appels du pied de son homologue provincial au Québec, Philippe Couillard qui le lendemain des attentats de Paris, s’est fait remarquer par une déclaration forte, digne d’un chef d’État :

«Le monde démocratique est en guerre. Nous faisons face à un ennemi mortel qu’il ne faut pas traiter avec naïveté et qui nous menace nous aussi … Les corps policiers sont en état de «veille» à la suite des actes terroristes survenus vendredi dans la Ville Lumière, mais il n’y a pas lieu pour le moment de rehausser le niveau de sécurité sur le territoire québécois.»

Philippe Couillard, dont le fils est militaire, a pris position en faveur d’une intervention musclée contre l’ÉI en Syrie. Selon lui, le carnage à Paris commande une approche multilatérale concertée : «Lorsqu’on fait face à un ennemi mortel, on doit le combattre avec des armes proportionnelles. […] Je m’attends de notre pays, le Canada, qu’on joue un rôle tel que demandé par nos partenaires de la coalition internationale ».

Mme Ishaq, la militante pakistanaise va pouvoir faire la promotion de la charia au Canada

Justin Trudeau s’est aussi empressé de faire retirer l’appel qu’avait logé le gouvernement Harper contre le port du niqab lors de l’assermentation à la citoyenneté canadienne, comme il l’avait promis. Mme Ishaq, la militante pakistanaise va pouvoir faire la promotion de la charia au Canada en toute quiétude.

La question des 25 000 réfugiés, chronologie d’un festival d’improvisation

La semaine dernière, les acteurs canadiens qui devront mettre en œuvre l’accueil des 25 000 réfugiés syriens voulus par Trudeau ne savaient pas trop sur quel pied danser. Ils en ont été réduits à faire part de leur doute sur la faisabilité du projet puis à rétro-pédaler pour être sûrs d’obtenir la manne fédérale.

Lundi 16 novembre

La ministre de l’Immigration, Kathleen Weil émet des doutes sur la possibilité d’accueillir au Québec les 5 750 réfugiés demandés par le gouvernement fédéral.

Elle dit ignorer si le financement pour les réfugiés syriens supplémentaires sera au rendez-vous.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, remet en question le délai prévu par Ottawa qui veut accueillir 25 000 réfugiés d’ici janvier : « On ne gagnera pas de prix si on accueille 25 000 réfugiés d’ici le mois de janvier», déclare t-il.

Mardi 17

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard s’engage «au nom du Québec, à sauver ces réfugiés de la barbarie » mais reconnaît que l’objectif du premier ministre Justin Trudeau est «exigeant».

Il dit attendre du fédéral des précisions sur comment il entend y arriver (sous-entendu avec quels moyens et combien d’argent).

Le maire de Montréal, Denis Coderre, réitére sa volonté d’accueillir des réfugiés syriens, mais souligne que des mesures devront être prises pour les encadrer.

Il tente aussi de tempérer les propos du Maire de Québec, Régis Labaume (lequel a indiqué que sa ville voulait privilégier les orphelins et les familles, plutôt que «des gars de 20 ans frustrés»).

« Il ne faut pas faire d’amalgame … mais s’assurer qu’il y a une porte ouverte et qu’on la contrôle».

Au grand dam du premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, du maire de Toronto, John Tory, du premier ministre du Québec, Philippe Couillard, et du maire de Calgary, Naheed Nenshi qui se sont tous dit préoccupés par le fait que le projet du gouvernement Trudeau est au mieux irréaliste et au pire carrément dangereux ; Trudeau, qui était encore aux Philippines, a affirmé qu’il maintenait le cap sur son objectif de 25 000 réfugiés syriens d’ici la fin de l’année.

Mercredi 18

Un directeur d’école au Québec se dit à bout de souffle et demande des moyens financiers adéquats pour accueillir les enfants syriens.

Jeudi 19

L’opposition à Québec questionne le gouvernement sur la capacité d’accueil des écoles québécoises et sur le financement de telles mesures.

On apprend que Le réseau québécois de l’éducation devra absorber l’arrivée massive de quelque 1000 élèves syriens ne parlant pas le français.

À Montréal, le maire Denis Coderre affirme que son administration est prête à relever le défi (il a du recevoir un coup de fil de Trudeau lui promettant une bonne part de la manne fédérale).

Vendredi 20

On apprend par l’agence de presse La Presse Canadienne que le plan du gouvernement libéral d’accueillir au Canada quelque 25 000 réfugiés en provenance de la Syrie coûtera 1,2 milliard de dollars au cours des six prochaines années.

Finalement, il est annoncé qu’Ottawa précisera mardi prochain (le 24 novembre) son plan d’accueil des réfugiés syriens.

Les Libéraux en poste, le premier ministre du Québec Philippe Couillard, la première ministre de l’Ontario Kathleen Wynne et le maire de Montréal, ont donc décidé qu’il fallait faire bloc pour éviter d’embarrasser le premier ministre du Canada.

Mais le mal est fait.

Pour couronner le tout, on doit à John Kerry, le secrétaire d’État américain, cette déclaration fracassante sur la sécurité :

«…Le changement climatique est peut-être la menace la plus importante sur la sécurité alimentaire», mais «il ne s’agit pas seulement de sécurité alimentaire. Il s’agit de sécurité mondiale. Point à la ligne».

Conclusion

Les Québécois ne semblent pas du tout partager l’optimisme et l’islamophilie de Justin Trudeau.

D’après un sondage TVA Nouvelles – Léger, 73% des Québécois craignent que des attaques terroristes surviennent en sol canadien et seulement 40% des gens qui ont répondu au sondage pensent que les forces policières et militaires sont prêtes à intervenir en cas d’attentat.

Les attentats de Paris ont soulevé un désir de représailles chez les Québécois : 38% des répondants croient que les frappes des CF18 contre le groupe États islamique doivent être maintenues et 26% pensent même qu’elles devraient être augmentées. Au total, 64% des gens vont donc à contre-courant de la position du gouvernement Trudeau.

Les répondants craignent en majorité (59%) que l’arrivée massive de réfugiés facilite l’infiltration de terroristes au pays, puisqu’ils croient que les services de renseignement ne seront pas en mesure d’effectuer un contrôle efficace. Seulement 28% des Québécois disent croire que les faux réfugiés puissent être détectés.

Alors, Justin Trudeau dépassé ? Déconnecté ?

Nombreux sont ceux rappelant qu’il a passé trois mois de campagne à marteler: «I have a plan !» Eh bien où il est ce plan ?

Ça me rappelle la fameuse excuse des mauvais élèves qui n’ont pas fait leur devoir mais qui disent en guise d’excuse : «le chien l’a mangé».

 

Les Canadiens devront attendre mardi 24 novembre pour connaître les détails de ce fameux plan.