LIBRE OPINION Trois questions sur l’UPAC 14 avril 2016 | Normand Chatigny, Michel Héroux, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay - Les auteurs sont des retraités des secteurs municipal et de l’éducation | Québec

LIBRE OPINION Trois questions sur l’UPAC 14 avril 2016	| Normand Chatigny, Michel Héroux, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay - Les auteurs sont des retraités des secteurs municipal et de l’éducation	| Québec

 

LIBRE OPINION

Trois questions sur l’UPAC

 

 
14 avril 2016 | Normand Chatigny, Michel Héroux, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay - Les auteurs sont des retraités des secteurs municipal et de l’éducation | Québec
Photo: Jacques Nadeau Le DevoirLe grand patron de l’UPAC, Robert Lafrenière

Les dernières semaines ont été plutôt chargées en politique québécoise. Arrestations pour des motifs de corruption de sept personnes proches de la politique (cinq libéraux et deux péquistes) par l’UPAC, parmi lesquels Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté, courriels de ce même Marc-Yvan Côté révélés à l’émission Enquête et qui ont impliqué le ministre Sam Hamad qui a fini par démissionner du Conseil des ministres après une bien étrange « fuite » en Floride.

 

De son côté, le grand patron de l’UPAC, Robert Lafrenière, a été nommé pour un second mandat de cinq ans par un gouvernement qui, à cet égard, n’avait pas vraiment le choix de le renommer ou non. Il faut dire qu’au mépris de tout devoir de réserve, le commissaire Lafrenière avait abondamment dit et redit sur la place publique son désir d’être reconduit dans ses fonctions. Dans le monde du haut mandarinat public, une telle cabale, ça ne se fait pas.

 

Cette énumération de faits ne doit pas occulter une situation plutôt malsaine créée par l’UPAC elle-même. Ainsi, les arrestations des sept personnes le 17 mars dernier, le matin du budget du Québec, peuvent être interprétées de deux façons. Ou bien cela démontre l’entière indépendance de l’UPAC, ce qui est une excellente chose ; ou bien cela indique une intention de faire dérailler la stratégie de communication du gouvernement, ce qui est une moins bonne chose, car l’UPAC n’a pas à faire directement ou indirectement de la politique.

 

Si, faisant preuve de bonne volonté, on accepte l’hypothèse de la « coïncidence » pour les événements du 17 mars, jour des arrestations plutôt spectaculaires, cette hypothèse, toutefois, ne tient plus la route avec le coulage des courriels de Marc-Yvan Côté à l’émission Enquête de Radio-Canada. On peut penser que cette fuite de courriels a vraisemblablement été orchestrée par quelqu’un à l’UPAC.

 

Pour les gens qui ne connaissent pas le réel fonctionnement des médias, il ne faut pas toujours croire les médias quand ils disent ou écrivent qu’ils ont « découvert » des documents compromettants. En réalité, ces documents sont très souvent fournis aux médias par des personnes qui ont leurs propres visées.

 

On peut douter que les journalistes ou les recherchistes de l’émission Enquête aient « découvert » les courriels de Marc-Yvan Côté. C’est vraisemblablement une ou des personnes de l’UPAC qui a ou ont fourni ces documents aux artisans de l’émission. Il n’y a pas « d’accident » ou de « coïncidence » ici. Cela fut « arrangé avec le gars des vues », pour reprendre une vieille expression. Tout cela soulève quelques questions sur cette Unité permanente anticorruption.

 

Des questions gênantes

 

La première de ces questions concerne le commissaire Lafrenière lui-même. Manifestement, M. Lafrenière aime la publicité et les médias. Pour celui qui dirige l’Unité permanente anticorruption du Québec, cela, en soi, est malsain. Le commissaire Lafrenière doit retourner dans une certaine pénombre qu’il n’aurait jamais dû quitter. Il doit apprendre à cesser de placoter avec les journalistes chaque fois qu’il en rencontre. Nous savons qu’il ne fait probablement pas cela, mais c’est la perception qu’il a créée dans le public. Qu’il rencontre la presse une ou deux fois par année, c’est une bonne chose. C’est prévu dans la loi. Qu’il soit régulièrement dans les médias en est une autre, plutôt mauvaise. L’UPAC doit être présente dans les esprits par les actions qu’elle accomplit en vertu de son mandat, et non en raison du placotage de son grand patron.

 

Deuxième question : y a-t-il à la direction de l’UPAC des personnes ayant une vision stratégique des coups spectaculaires que cette unité doit réaliser périodiquement ? Arrêter des politiciens, c’est spectaculaire, et pour cause. C’est la tâche de l’UPAC, c’est sa mission même lorsque la preuve s’avère suffisante. Mais le faire sans prêter la moindre attention au paysage événementiel ambiant, c’est faire preuve d’une arrogance dont l’UPAC, avec son mandat, n’a pas vraiment besoin. L’arrestation de Nathalie Normandeau et de Marc-Yvan Côté le matin du budget a ouvert la porte à toutes sortes d’hypothèses. Pourquoi fallait-il que ce soit ce matin-là ? Nous n’aurons jamais de réponse à cette question, mais nous avons le droit de la poser.

 

Troisième question : les fuites délibérées. Le cas des courriels fournis à Enquête laisse entrevoir qu’à l’UPAC, certains ont le goût d’intervenir en politique, de provoquer des choses. Or, cela n’est pas le mandat de cette unité. Il est nécessaire qu’au sein de l’UPAC une enquête ait lieu sur cette fuite. Si des gens en son sein se comportent ainsi et se permettent ce genre de fuite aux sérieuses conséquences, ces personnes se trouvent à corrompre le mandat même de l’Unité.

 

Le travail de l’UPAC doit, ultimement, s’accomplir devant la cour, et non sur les plateaux de télévision.

Commentaires :

 

  • ichel Lebel - Abonné
    14 avril 2016 06 h 28
    Bravo!
    Bravo pour cette analyse critique des méthodes de fonctionnement de l'UPAC. Il était temps que ces choses soient dites. Cet organisme ne doit pas devenir un État dans un État.

    Michel Lebel
    • Pierre Bernier
      Pierre Bernier - Abonné
      14 avril 2016 09 h 19
      D'où l'importance que cet élément de l'infrastructure de l'éthique publique au Québec relève du Parlement.
  • Pierre Lefebvre
    Pierre Lefebvre - Abonné
    14 avril 2016 07 h 30
    devant la cour
    D'un autre côté, nous devons admettre la propension à faire dévier l'attention des dirigeants politiques en écartant le sujet clamant que tout ceci devrait se faire «devant la cour» tout en continuant leur petit bonhomme de chemin est aussi sinon plus grave. N'est-ce pas la position du gouvernement Charest de dire que tout cela n'a rien à faire devant le peuple pour nier la formation de la Commission Charbonneau pendant des mois ? Je trouve étrange qu'il y ait encore des supporteurs de «glisser sous le tapis» après cet exercice. Peu importe les résultats «officiels» de cette Commission, aujourd’hui : «nous savons». Nous savons qu’il y eu système, nous savons qu’ils y ont participé. Peu importe les pantins qu’ils nous présentent en pâture, «bien malgré eux», nous «savons» que le système perdure. Ils ne réussiront pas à remettre le génie dans la bouteille de la cour. Ils ne réussiront pas à mettre le couvercle sur cette poubelle.

    PL
  • Christian Montmarquette
    Christian Montmarquette - Abonné
    14 avril 2016 07 h 40
    Il y a parfois des règles qui méritent d'être transgressées
    Dans les circonstances d’un Québec dépourvu de constitution et de tout mécanisme citoyens pour destituer des politiciens, des partis politiques ou même, des gouvernements louches ou corrompus, qui plus est, se votent leur propre règles en parfait conflit d’intérêt.. 

    La dernière chose dont le Québec a besoin, c’est bien de critiquer l’UPAC, Enquête et Robert Lafrenière qui se sont faits les chiens de garde de la justice et de la démocratie.

    Oui, une réserve politique de la justice et des médias est généralement justifiée.

    Mais des circonstances exceptionnelles demandent des moyens exceptionnels. Et dans tous les cas, les règles si justes soient-elles, ne remplaceront jamais le jugement. 

    Merci à l'UPAC et à l'émission Enquête pour leur travail exemplaire.

    Il y a parfois des règles qui méritent d'être transgressées.

    Surtout quand il s'agit de protéger l'intérêt général et la société.

    Christian Montmarquette
    • Serge Morin
      Serge Morin - Abonné
      14 avril 2016 13 h 18
      Bravo Monsieur
      Les auteurs de ce texte voudrait que M.Lafrenière fasse un Renaud Lachance de lui même
  • Fernand Laberge
    Fernand Laberge - Abonné
    14 avril 2016 08 h 05
    Si la corruption relevait du code de la route...
    Q1- Pourquoi faut-il que la police soit si visible, allant même jusqu'à médiatiser des campagnes sur la sécurité routière ?

    Q2- Où est la vision stratégique des contrôles routiers, toujours quand je suis pressé, ou du paiement de mon permis quand ça ne cadre pas dans mon budget ?

    Q3 - Comment expliquer que les excès de vitesse dangereux et répétés sur ma rue se retrouvent dans un reportage ? Sûrement une source policière ! Quel autre citoyen aurait un sens moral (ou un intérêt) si aiguisé...
  • Stéphane Melançon
    Stéphane Melançon - Abonné
    14 avril 2016 08 h 20
    Une question d'esthétisme
    Les auteurs de cette opinion oublient que le mandat de M. Lafrenière tirait à sa fin et qu'aucune accusation n'avait encore été déposée. Or, nous savons que des dossiers étaient prêts. Je ne suis pas naïf, M. Lafrenière a dû subir des pressions tout comme M. Renaud Lachance à la différence que ce dernier est devenu un pion du PLQ.

    Si vous vous préoccupez réellement de l'indépendance de l'UPAC, vous auriez dû d'abord vous indigner que sa nomination dépend du premier ministre au lieu du 2/3 chambre comme le bon sens le suggère. Voilà la source première de ce que vous dénoncez.
    • Pierre R. Gascon
      Pierre R. Gascon - Abonné
      14 avril 2016 11 h 00

      Que la voie maîtresse des membres de l'Assemblée nationale soit toujours la justice qui refuse les raccourcis des recommandations et du favoritisme, les déviations dangereuses de la malhonnêteté et des compromis faciles.